Pouria Amirshahi, secrétaire national aux droits de l’homme du parti socialiste, premier secrétaire de la fédération de Charentes m’a fait parvenir cette contribution que je me fais un plaisir de publier. Cette contribution est également en ligne sur le site « Mediapart » :
Le Système est devenu définitivement allergique à toute idée de régulation, de compromis, de partage. La cupidité des bénéficiaires des nouveaux privilèges et des rentes boursières a atteint un degré d’anti-humanisme qu’il n’est plus possible de raisonner. De ce fait, l’Etat providence a été mis hors jeu et son soubassement social-démocrate avec. Après quelques sentences cyniques sur la mort du capitalisme, prononcées le plus souvent par ses serviteurs soudains zélés pour le moraliser, chacun s’est finalement contenté de la mise au coffre du banquier Madof : le coupable étant trouvé, la Machine, cette folie qui gangrène la planète entière, peut repartir de plus belle. A la recherche permanente de gains déments et immédiats, les profiteurs voraces ne se préoccupent même pas de savoir qu’ils ont engendré le pire : à ce rythme, nos jours sur cette Terre sont peut-être comptés.
C’est à nouveau vers le Monde qu’il faut se tourner : c’est le destin et le dessein de la gauche de porter la construction d’un projet pour l’Humanité.
Au fond, pourquoi militons-nous à gauche ? Si le modèle capitaliste est explicitement le contrepoint de notre projet d’émancipation, l’anticapitalisme ne signifie rien de plus que ce qu’il proclame. Autrement dit, il reste un slogan pauvre. L’anticapitalisme, comme rejet de l’exploitation économique de la masse des hommes et des ressources naturelles par une poignée de propriétaires est essentiel mais ne suffit pas à dessiner un projet politique d’émancipation des hommes et particulièrement des femmes, premières victimes des désordres du monde et des rapports de domination. C’est précisément la question de la perspective, de l’autre monde – de ses contours, de ses buts, de ses moyens (y compris pour déposséder les possédants, moyen que ne pensent plus les socialistes) – qui doit être au cœur de notre propos.
Que combat on ?
Santé, éducation, communication, justice, alimentation, logement etc. ce que déconstruit méthodiquement le libéralisme mondialisé ne porte en germe rien d’autre que la déshumanisation des rapports sociaux et peut-être même le chaos social et politique pour de longues années. Aujourd’hui, la soumission de nos industries aux logiques d’argent déshabille l’Europe et augure d’une incapacité prochaine à assumer concrètement l’indépendance et l’unité du continent européen, déjà mise à mal par la concurrence institutionnalisée entre les peuples. En pleine crise, les sommes versées dans les banques ou les entreprises de construction automobile, comme on verse l’eau dans le tonneau des Danaïdes, sont sans contrepartie : chaque euro donné est ainsi un euro donné gratuitement par le contribuable, obligé de s’en remettre à l’honnêteté économique des bénéficiaires et, peut-être, à des temps meilleurs… Le pouvoir politique lui-même devient l’un des meilleurs agents des intérêts de quelques-uns. Pendant ce temps, la cohorte des sans emploi qui vient allonge la liste de ceux qui n’auront bientôt plus rien à perdre…
Le pouvoir en place inquiète aussi de plus en plus démocrates et républicains : fichiers généralisés, procédures de justice expéditive, pratiques policières agressives (arrestations spectaculaires, rafles, contrôles arbitraires), chasse aux immigrés pauvres, pénalisation de l’enfance délinquante, discours sur les prédispositions génétiques… C’est tout l’espace européen qui est percuté par ces dérives. Les mises au pas des contrepouvoirs institutionnels et médiatiques en disent long sur les dérives liberticides en cours, comme s’il s’agissait d’empêcher toute réaction organisée et durable des classes sociales qu’on appauvrit par ailleurs… Pendant ce temps, les dérives racistes en Italie et en Grèce inquiètent. La persistance de l’extrême-droite en Autriche à un haut niveau fait peur. Bien d’autres signaux nous alertent et la liste des ombres inquiétantes est longue. C’est dans ce climat d’insécurités, souvent construites volontairement, que le parti de l’ordre fonde sa légitimité.
La droite libérale et autoritaire fonde ainsi sa politique sur cette double agression : le pouvoir aux riches d’abord ; le pouvoir au Pouvoir ensuite. (more…)