Les campagnes électorales, c’est comme la campagne tout court. On se dit que c’est la nature, de la République dans le premier cas, que l’air y est sain et pur, mais une fois qu’on y est, on se rend compte que c’est fangeux et que ça pue.
Illustration nous en est fournie dans le Val d’Oise où un candidat de l’UMP, Francis Delattre, maire de Franconville, soulève que son adversaire PS Ali Soumaré serait un « délinquant multirécidiviste », invoquant à l’appui de cette affirmation plusieurs condamnations complaisamment relayées par le Figaro :
-En 1999, six mois de prison pour vol avec violences (j’ignore s’il y avait ou non du sursis, mais c’est probable).
-En 2007, 80h de travail d’intérêt général pour un autre vol avec violences et usage d’une carte de paiement contrefaite.
-En 2009, deux mois fermes pour rébellion semble-t-il, le Figaro n’étant pas clair sur ce point. -Enfin, le 16 février dernier, une ordonnance pénale l’a condamné pour conduite malgré annulation du permis.
Le PS semble soulever comme défense non pas que ces faits seraient faux mais que l’UMP ne devrait pas le savoir.
Comme à chaque fois que le droit fait irruption dans le débat public, et surtout quand Daniel Schneidermann, malgré mon hétérosexualité inébranlable, me fait du pied, je me dois de vous apporter quelques lumières. Je prendrai comme hypothèse que ces condamnations sont vraies, pour en rester aux seules questions juridiques.
Tout d’abord, sur l’affirmation selon laquelle monsieur Soumaré serait un « délinquant multirécidiviste » lancée par Francis Delattre. Elle est totalement fausse.
Nous avons déjà traité de la délicate question de la récidive. Une relecture ne sera pas inutile ici.
La récidive suppose la réitération d’une même infraction ou d’une infraction que la loi assimile à la première (vol, extorsion, chantage, escroquerie et abus de confiance sont ainsi assimilées au regard de la récidive, art. 132-16 du code pénal). La multi-récidive suppose donc à tout le moins deux condamnations en récidive.
Ici, nous avons deux condamnations pour des mêmes faits. Donc au pire, une récidive, mais certainement pas une multi-récidive.
Y a-t-il récidive simple ?
S’agissant d’un délit puni de cinq ans de prison (vol aggravé par une circonstance), nous sommes dans le cas de la récidive spéciale et temporaire (art. 132-10 du Code pénal). Il faut pour qu’il y ait récidive que moins de cinq ans séparent la commission des nouveaux faits et l’expiration de la première peine. Or ici, le Figaro nous dit que les faits pour lesquels il a été puni en 2007 ont été commis en 2004, alors que la première condamnation était en 1999. mais quid de la date des premiers faits ? Le Figaro est muet sur la question. On est à la limite de la récidive. Gageons toutefois que dans son souci de rigueur et d’information du lecteur, si la deuxième condamnation, celle de 2007, avait été prononcée en récidive, le journal n’aurait pas manqué de l’indiquer. J’ajoute que 80h de TIG (en fait de la prison avec sursis et assorti de l’obligation d’accomplir un travail d’intérêt général) ne ressemble pas tellement à une peine de prison pour vol avec violences en récidive.
Ali Soumaré est donc probablement un délinquant simple, au même titre que Messieurs Huchon, Juppé, Emmanuelli, Bové, ou Tibéri, pour ne citer que quelques exemples. C’est dire s’il a sa place sur les listes de candidature. (more…)