Après l’annonce, le 25 juillet, de l’exécution de Michel Germaneau, otage français retenu par le groupe Al-Qaida au Maghreb islamique, la presse africaine fustige l’attitude de Paris. Elle considère que l’opération militaire menée par la France et la Mauritanie le 22 juillet n’a fait qu’empirer la situation.
Le 26 juillet, le président français Nicolas Sarkozy a confirmé la mort de Michel Germaneau, un humanitaire français de 78 ans, qui avait été enlevé au Niger le 19 avril dernier par Al-Qaida au Magheb islamique (AQMI). Ses ravisseurs ont affirmé l’avoir tué samedi 24 juillet, en représailles au raid militaire conduit, au nord du Mali, conjointement par la France et la Mauritanie, qui avait fait six morts parmi les terroristes. Cette opération, menée le 22 juillet, visait à tenter de libérer Michel Germaneau avant l’expiration de l’ultimatum fixé au 26 juillet par l’AQMI.
22 Septembre, un quotidien de Bamako, interprète l’affaire différemment. Pour ce journal, Michel Germaneau « a été tué le 22 juillet dans l’opération militaire conduite par Paris, soutenu par l’armée mauritanienne qui lui servait surtout de guide et d’interprète ». Des moyens militaires importants avaient été mobilisés pour cette opération, mais ils n’avaient pas permis la localisation de l’otage. « L’impression qui se dégage, c’est qu’il fallait en découdre avec l’AQMI, même si Germaneau devait y perdre la vie », ajoute 22 Septembre. Le quotidien insinue que Paris était peut-être convaincu de son décès, avant même le lancement de l’opération, en raison de la santé précaire de l’otage – qui, cardiaque, n’avait plus de médicaments.
Pour L’Indépendant de Bamako, le raid français s’est terminé en désastre. Non seulement l’otage n’a pu être libéré, mais au moins six terroristes auraient été tués et plusieurs autres faits prisonniers, or « le pire était à craindre de la part de l’AQMI en termes de représailles ». Selon ce journal, l’échec du raid a provoqué l’incompréhension de Madrid vis-à-vis de la France, qui ne l’avait pas consulté. Or deux otages espagnols sont encore aux mains de l’AQMI et leur sort « ne tient plus qu’à un fil », ajoute L’Indépendant.
La maladresse de l’opération représente également « une humiliation pour le Mali, dont le gouvernement n’a probablement pas été informé et dont les troupes n’ont pas participé à l’opération », déplore le quotidien malien Le Républicain qui y voit un signe d’isolement ou de manque de confiance. « Peut-être parce que la Mauritanie serait plus déterminée que le Mali à lutter contre Al-Qaida » ? interpelle-t-il.
Le quotidien burkinabé Le Pays est moins sévère vis-à-vis de la France. Selon lui, l’opération redonne un peu d’espoir, car, malgré la mort de l’otage français, « l’AQMI n’est plus aussi insaisissable qu’elle le paraissait. Une de ses bases a bel et bien été identifiée. L’assaut militaire a réussi à la nettoyer de ses terroristes ».
Anne Collet pour Courrier international
Têtes pensantes
L’islamologue et professeur d’université suisse d’origine égyptienne Tariq Ramadan profite de sa présence à Bamako, où il participe à un colloque sur les musulmans des pays francophones, pour réagir au décès tragique de l’otage français Michel Germaneau, tué le 24 juillet par Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI). Dans une interview accordée au quotidien malien L’Indépendant, Ramadan prône une meilleure coordination des Etats concernés ainsi qu’une vraie politique éducative à l’égard des jeunes susceptibles de se faire enrôler. « Ce ne sont pas les jeunes manipulés par les salafistes qu’il faut viser, mais les têtes pensantes qui sont derrière eux. La voie des armes n’est pas la meilleure des solutions. Seule une véritable bataille pédagogique en viendra à bout« , a-t-il estimé.